On se sert du roman policier pour faire passer toutes sortes de « messages », messages prétendument humanitaires, ou carrément philosophiques! Il y a un courant assez fort, actuellement, qui véhicule des trames ayant pour base l’indispensable policier véreux et l’assassin, innocente victime du sort. ... Entre parenthèses, aucun suspens quant à l’identité du coupable : c’est invariablement « la société ». Et tout cela, bien sûr, baigne la plus béate utopie.

— Paul Halter, À 139 pas de la mort

samedi 10 mars 2012

Souvenez-vous de Monte-Cristo — René Reouven (1996)


« Pourquoi? » répéta Chaubard, dans sa dernière lueur de conscience.
L’individu chuchota : « Je pourrais vous répondre que c’est parce que vous êtes vulgaire et parfaitement antipathique, mais ce ne serait pas exact. C’est surtout parce que vous vous appelez Chaubard, et qu’à ce titre vous devez être trouvé mort sur le pont des Arts à cinq heures du matin. »
     René Reouven, Souvenez-vous de Monte-Cristo

César Brunel veut devenir riche, et pour cela il lui suffit d'hériter de son oncle Charles. La fortune de l’oncle Charles était gagné avec des trucs éhontés. La mère de César (et, par conséquence, César lui-même) avait été victime d’une escroquerie… Alors les relations entre oncle et neveu ne sont pas les meilleurs… La solution logique pour César est d’assassiner son oncle, mais comment le faire sans devenir un suspect ?

La solution arrive sous forme de la chronique Mémoires tirés des archives de la police pour server à la moral et à la justice de Jacques Peuchet (1838). Un des anecdotes racontés dans cette chronique servait comme l’inspiration d’Alexandre Dumas pour le livre Le Comte du Monte-Cristo. Un homme, François Picaud, était dénoncé par des faux amis comme un espion anglais. Leur mobile : Picaud était fiancé de la belle Marguerite Figoroux. Quand il était en prison, Picaud a connu l’abbé Farina, et après sa libération en 1814, on sait rien sur Picaud avant son retour à Paris en 1815. Il est retourné fabuleusement riche et il a commencé de se venger sur ses faux amis—il a réussi de tuer plusieurs entre eux. Leurs noms étaient : Chaubard, Solari, Allut… et Loupian !

Dans le monde contemporain, César trouve une belle opportunité. Il commence des meurtres à série, rejouant les meurtres de la chronique de Peuchet. Il laisse des notes près des corps, qui lisent : « Souvenez-vous de Monte-Cristo ». Les notes formeront une distraction parfaite. Les limiers seront occupés, cherchant un lien entre les victimes avec l’idée d’un mobile de vengeance… et quand le temps sera correct, César leur donnera le lien véritable. Il tuera son oncle, héritera la fortune, et il aura un alibi psychologique parfait.

René Reouven est un auteur excellent, et Souvenez-vous de Monte-Cristo est un bon livre—on ne gaspille pas notre temps en le lisant ! C’est dommage, mais il y a un problème avec le texte. La fin du livre est facilement anticipé— je l’attendais dès la fin de la première partie. L’exécution est excellente quand même, mais on le peut facilement deviner. C’est plus ou moins à cause de ce problème que Souvenez-vous de Monte Cristo est simplement un bon livre, et non pas un chef d’œuvre.

Mais quand même, ce n’est qu’un problème mineur. Le livre est très agréable. C’est un jeu entre un meurtrier et les détectives— on veut savoir si César va gagner cette partie, ou si le commissaire de police triomphera. Les scènes finales avec le commissaire sont excellentes— le commissaire donne une explication des évènements à César, qui est étonné par ses révélations. C’est comme une émission de « Columbo » complètement à l’envers— on sait plus à propos les évènements que le meurtrier lui-même, et on veut voir s’il se trompera devant le commissaire de police.

Et bien sûr, on peut voir que Reouven aime le roman policier. Plusieurs fois, César parle de ces romans. Il déteste les critiques qui ne veulent pas lire un tel roman s’il n’y a aucun « message ». Par contre, il adore Agatha Christie et Stanislas-André Steeman. Après tout, ces auteur l’ont influencé, Christie avec ses Dix petits nègres et Steeman avec son L’assassin habite le 21